. Comment optimiser la gestion des déchets agricoles ?
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Filière Epandage Agricole Direct

Cahiers des charges Filières

Préambule

Les cahiers des charges établis synthétisent les données disponibles dans la littérature scientifique et technique et des avis d’experts pour un certain nombre de filières de gestion et de traitement appartenant à une liste définie spécifiquement pour cette étude. Ils visent à définir les paramètres et les critères (positifs ou négatifs) conditionnant l’entrée de déchets, d’une manière générale, dans les filières de gestion/traitement/valorisation concernées. Pour toute validation de l’orientation d’un flux de déchet donné vers une installation, il conviendra de compléter cette approche en se reportant au cahier des charges et arrêtés d’exploitation spécifiques à l’installation considérée.

Réglementation

La règlementation distingue deux statuts pour la valorisation des matières organiques en agriculture :

  • Le statut de déchet si la matière est brute (elle n’a pas subi de traitements particuliers) ;
  • Le statut de matière transformée en matière fertilisante ou en support de culture (le déchet a subi une transformation améliorante, par exemple par compostage).

Ce document cible uniquement le premier cas, celui de la valorisation direct de déchets en agriculture par épandage.

La réglementation relève alors du Ministère chargé de l’écologie et du développement durable. Plusieurs cas peuvent être distingués selon la nature des déchets.

Effluents d’élevage et d’industries agro-alimentaires non soumis à la loi sur les ICPE

Cadre législatif relevant des lois sur l’Eau géré par la Direction de l’eau et instruit localement par la DRASS (Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales) selon les prescriptions du Règlement Sanitaire Départemental (RSD) (1).

Effluents des industries agro-alimentaires et des élevages soumis à la loi sur les ICPE

Cadre législatif géré par la DPPR (Direction de la prévention des pollutions et des risques), instruit localement par la DSV (Direction des services vétérinaires) (1).

Se référer à l’arrêté préfectoral d’autorisation de l’installation qui fixe les conditions des opérations d’épandage.

Boues de STEP

Les textes de référence cadrant l’épandage de boues de STEP sont les suivant :

  • Décret du 8 décembre 1997 (abrogé le 23 mars 2007) codifié dans les articles R211-25 à R211-47, R216-7 et R216-8 du Code de l’environnement.

Ces articles définissent les règles générales relatives aux boues : statut de déchet, règlementation générales relatives à l’épandage. Est notamment interdit le mélange de boues provenant d’installations de traitement distinctes. Les matières de vidanges issues de dispositifs non collectifs d’assainissement sont assimilées aux boues de Step dans ce texte.

  • Arrêté du 8 janvier 1998 fixant les prescriptions techniques applicables aux épandages de boues sur les sols agricoles pris en application du décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 relatif à l’épandage des boues issues du traitement des eaux usées ;

Cet arrêté n’est pas applicable à l’épandage des boues et des effluents provenant des installations classées. L’épandage des boues n’est autorisé que si celles-ci présentent un intérêt pour la nutrition des cultures et des plantations. Cette arrête liste également les valeurs limites en éléments traces métalliques et les autres caractéristiques des boues (pH, traitement) autorisant l’épandage des boues. Ces critères sont repris en annexe 1 de ce document. Les boues de STEP doivent faire l’objet d’une étude préalable à l’épandage.

  • Décret n° 2009-550 du 18 mai 2009 relatif à l’indemnisation des risques liés à l’épandage des boues d’épuration urbaines ou industrielles. Ce fonds de garantie est destiné à indemniser les exploitants agricoles en cas de problème suite à un épandage de boues de stations d’épuration sur leurs parcelles. Ce fonds ne s’applique pas à l’épandage de tout autre « produit » (compost de boues par exemple) qui n’ait pas le statut « déchet ».

Critères d’acceptation ou de refus

Déchets organiques

Seuls les déchets organiques non dangereux peuvent être épandus sur les terres agricoles.

Un déchet organique est un résidu ou sous-produit organique engendré par l’agriculture, les industries agroalimentaires ou les collectivités, composé de matière organique non synthétique et caractérisée par la présence d’atomes de carbones issus d’organismes vivants, végétaux ou animaux (1).

Selon la nomenclature européenne des déchets (Décret N° 2002-540 du 18 avril 2002), les déchets potentiellement concernés par l’épandage agricole se trouvent dans les catégories :

  • 02 : « déchets provenant de l’agriculture, de l’horticulture, de l’aquaculture, de la sylviculture, de la chasse et de la pêche ainsi que de la préparation et de la transformation des aliments » ;
  • 19 : « Déchets provenant des installations de gestion des déchets, des stations d’épuration des eaux usées hors site et de la préparation d’eau destinée à la consommation humaine et d’eau à usage industriel » ; sont principalement concernées les boues de station d’épuration ;
  • 20 : « Déchets municipaux (déchets ménagers et déchets assimilés provenant des commerces, des industries et des administrations) y compris les fractions collectées séparément ».

Innocuité et intérêt agronomique

Les deux principaux critères permettant l’épandage agricole des déchets sont :

  • l’innocuité du déchet dans les conditions d’épandage (avec si besoin, réduction préalable des teneurs en éléments traces ou pathogènes) ;
  • la valeur agronomique : l’épandage déchet doit présenter un intérêt pour les sols ou la nutrition des cultures. Des analyses doivent donc en général être effectuées : pH, teneur en matière sèche, matière organique et azote, etc.

Déchets organiques interdits en épandage

  • L’article R211-29 du Code de l’Environnement précise en effet : « Les matières de curage des ouvrages de collecte des eaux usées ne peuvent être assimilées à des boues que lorsqu’elles ont subi un traitement destiné à en éliminer les sables et les graisses. A défaut, leur épandage est interdit. L’épandage des sables et des graisses est interdit quelle qu’en soit la provenance. ».
  • Effluents et boues non conformes à la règlementation ou dont le retour au sol est interdit ;
  • Déchet sans intérêt agronomique ou à risques environnementaux.

Cas particulier : débat sur l’épandage des boues de STEP

La valorisation des boues de STEP en épandage agricole pose question et peut être génératrice de tensions au sein de la filière agricole.

Le bilan des ministères sur les 10 années d’application de la règlementation relative à l’épandage des boues de STEP (2) en témoigne.

Les premiers facteurs de tension sont liés aux secteurs agricole et agro-alimentaire. En effet, des coopératives agricoles de collecte et des industries agro-alimentaires interdissent, sous la forme de « contraintes commerciales » aux agriculteurs d’épandre des boues sur les parcelles dont les productions leur sont livrées. Il s’agit alors d’un facteur important dans le choix de l’agriculteur d’épandre ou non des boues. « Dans les aires d’appellation d’origine contrôlée (AOC), les décrets d’application donnent aux organisme de gestion la latitude d’interdire ou non l’épandage. »

La deuxième source de tensions identifiée est liée à la société civile et aux zonages : « dans certaines régions, des tensions liées aux rapports ruraux-citadins seraient à l’origine d’arrêtés municipaux d’interdiction d’épandage ». La provenance géographique des boues (par exemple hors du département où a lieu l’épandage) est aussi un frein à l’épandage, tout comme la présence de nouvelles zones naturelles protégées (par exemple des zones Natura 2000).

Dans le cadre des préoccupations liées aux problématiques émergentes de l’effet sur les populations de la présence de contaminants dans le milieu naturel, l’épandage des boues de STEP commence par être remis en question par certaines communautés scientifiques. En effet, la production des boues est un mode de traitement des eaux usées qui permet, par précipitation, de retirer nombres de polluants et particulièrement les POP’s (polluants organiques persistants) adsorbés sur les particules. Parmi ces molécules très difficilement quantifiable, on retrouve divers pesticides, médicaments hormono-mimétiques, etc. Le principe même de les épandre en milieu agricole, non seulement les redistribue dans le milieu naturel mais peut permettre leur entrée dans la chaine alimentaire.

Cas particulier de l’agriculture biologique

La règlementation européenne concernant l’agriculture biologique a récemment évoluée. Les anciennes réglementations européenne et nationale ont été abrogées au 1er janvier 2009 et remplacées par le règlement européen n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007.

Un guide de lecture (2) pour l’application des règlements (CE) n° 834/2007 modifié du Conseil du 28 juin 2007 et du règlement (CE) n° 889/2008 modifié de la Commission du 5 septembre 2008 a été rédigé à l’intention des organismes certificateurs et des structures de développement de l’agriculture biologique afin de les aider dans l’application de cette nouvelle réglementation (3).

Au vu de ces documents et concernant l’épandage de déchets organiques en agriculture biologique, les points à retenir sont les suivants :

  • La fertilité et l’activité biologique du sol doivent être préservées et augmentée par la rotation pluriannuelle des cultures et par l’épandage d’effluents d’élevage ou de matière organiques, de préférence compostés, provenant de la production biologique.
  • Dans le cas où ces mesures ne permettent pas de couvrir les besoins nutritionnels des végétaux, seuls certains engrais et amendements énumérés à l’annexe I du règlement peuvent être utilisés uniquement suivant les besoins. Il s’agit, par exemple, de fumiers, lisiers, produits d’origine animale (farine de sang, laine, produits laitiers,…) et végétale (algues, sciure, cendres, vinasse,..).

La liste est reportée en annexe 2 de ce document.

Bibliographie

1. CHABALIER, Pierre-François, et al., et al. Guide de la fertilisation organique à La Réunion. Mission de Valorisation des Déchets (MVAD) – Chamabre d’Agriculture Réunion. [En ligne] http://www.mvad-reunion.org/-Guide-de-la-Fertilisation-.

2. MINIESTERE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L’AMENAGEMENT DURABLES ; MINISTERE DE L’AGRICULTURE ET DE LA PECHE. Bilan de dix années d’application de la règlementation relative à l’épandage des boues issues du traitement des eaux usées. 2009.

3. MINISTERE DE L’AGRICULTURE DE L’AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORET. Guide de lecture pour l’application des règlements. [En ligne] janvier 2012. http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/AB-GUIDE-LECTURE-RCE-BIO_janvier_2012_cle0b617e.pdf.

4. —. Agriculture biologique – La réglementation. agriculture.gouv.fr. [En ligne] mai 2011. http://agriculture.gouv.fr/reglementation.

Annexe 1 : Critères réglementaires d’épandage des boues de step

Les boues ne peuvent pas être épandues :

  • Si les teneurs en éléments-traces métalliques dans les sols dépassent l’une des valeurs limites figurant au tableau ci-dessous :
  • Tant que l’une des teneurs en éléments ou composés-traces dans les boues excède les valeurs limites figurant aux tableaux 1 a ou 1 b.
  • Dès lors que le flux, cumulé sur une durée de dix ans, apporté par les boues sur l’un de ces éléments ou composés excède les valeurs limites figurant aux tableaux 1 a ou 1 b.

En outre, lorsque les boues sont épandues sur des pâturages, le flux maximum des éléments-traces à prendre en compte, cumulé sur une durée de dix ans, est celui du tableau 3.

Les boues ne doivent pas être épandues sur des sols dont le pH avant épandage est inférieur à 6, sauf lorsque les trois conditions suivantes sont simultanément remplies :

  • Le pH est supérieur à 5 ;
  • Les boues ont reçu un traitement à la chaux ;
  • Le flux cumulé maximum des éléments apportés aux sols est inférieur aux valeurs du tableau 3.